Une jolie expérience de soft skills

 
Lundi matin, 5h35, le réveil sonne. Je prends un train, direction Nantes. Je coanime avec Julie, travailleuse sociale, un atelier de réinsertion professionnelle. C’est une première pour moi avec ce public. Je suis enthousiasmée par ce nouveau partenariat avec Permis de Construire qui accompagne ces personnes à devenir des « pilotes » de leur vie.
Arrivée à 9h35 dans la salle. Francis* est déjà là, en avance. Il est fier de sa ponctualité : l’atelier ne démarre qu’à 10h. 
La fenêtre est ouverte, j’ai un peu froid. Spontanément, il la ferme. Cette attention est touchante.
Mohamed arrive, se sert un café et s’installe. Il m’interpelle d’une voix douce « C’est vous la dame de Paris ? »
J’acquiesce en souriant.
« Et ben, y’en a pas beaucoup de gens comme vous ». 
Je me sens accueillie, non, plus exactement, « bienvenue » dans leur groupe d’êtres cassés, abîmés pour certains par la vie.
Au programme de cette séance : tester leur présentation auprès d’un futur employeur. Que dire de son passé, de ses expériences, que taire pour ne pas effrayer.
Mohamed se lance. 
« J’ai grandi à Casablanca. Ma grand-mère habitait au dessus d’un garage. Je me mettais à la fenêtre pour regarder le mécano en bas. Je n’osais pas descendre au début. Puis j’ai passé de plus en plus de temps auprès de lui. Et au fond de moi, c’est ce que j’ai toujours voulu faire…»
Avec son récit, j’ai voyagé, j’ai presque senti les odeurs d’essence, j’ai vu les yeux du petit Mohamed qui admirent les gestes précis du mécanicien qui démonte les moteurs.
 
Je suis frappée par le silence du groupe à chaque fois qu’un des pilotes se raconte. Je leur dis spontanément que je suis impressionnée par la qualité de leur écoute. Ils sont tout à la fois surpris et revigorés par ce retour positif. La consigne de l’exercice est très simple : noter et partager avec le groupe ce qui leur a plu dans la présentation de l’autre, pour prendre conscience de ce qui a été bien fait, et être capable de se l’approprier.
A chaque passage, les remarques positives sont précises : le calme du ton de la voix, les nombreux exemples, les images, les mots positifs employés, le regard franc…Ceux qui avaient peur de l’exercice osent.
 
Fabien est présent, sans être vraiment présent. Les autres le savent, prennent acte de sa différence. Il ne reste plus que lui dans ce tour de présentation. J’hésite à lui donner la parole pour ne pas le brusquer. C’est le groupe, et particulièrement Rémi qui s’exclame « à toi, Fabien ». Alors, porté par les autres, Fabien raconte.
 
Fabien, Mohammed, Francis, Rémi et les autres ont été condamnés, ou sont d’anciens détenus.
Encouragement, écoute, attention à l’autre, autorégulation, gratitude, bienveillance, respect de la différence : une jolie expérience de « soft skills ». 
 
Article à retrouver dans le dernier Hors série sur les Soft Skills de MyHappyJob sur https://lnkd.in/gUtnSVd