Harcèlement sexuel au travail : les entreprises décident de jouer la carte de la prévention

Interview de Marie Delmont publiée dans le journal Paris Normandie le 22 Février sur la prévention du harcèlement sexuel en entreprise

L’année 2017 et l’apparition du mouvement Me Too ont marqué un tournant : dans le sillage de l’affaire Weinstein, qui a éclaté outre-Atlantique, des femmes du monde entier ont osé rendre publics des récits de harcèlement sexuel dont elles étaient victimes dans leur milieu professionnel. Mais, « si on parle beaucoup de harcèlement sexuel dans les médias, le sport et le spectacle, c’est une question très peu abordée dans l’entreprise privée », déplore Marie Delmont, dirigeante associée de MPI Conseils, cabinet spécialisé dans le conseil en développement RH.

Pourtant, le code du travail oblige l’entreprise a prévenir ces phénomènes. « Former les managers, c’est essentiel pour améliorer la connaissance, la prévention et l’identification des phénomènes de harcèlement par l’ensemble des acteurs de l’entreprise », confirme Christine Naschberger, enseignante en gestion des RH à Audencia, l’école supérieure de commerce de Nantes. « Mais encore faut-il que les salariés sachent à quoi s’en tenir », ajoute Marie Delmont.

Si cette spécialiste assure régulièrement des conférences interactives sur ce thème en entreprise, elle conseille aussi aux dirigeants d’« aborder la question dans le règlement intérieur, et lors des temps d’échange en interne ». L’intervention d’un spécialiste vise à compléter ce dispositif. L’objectif : clarifier la notion de harcèlement sexuel, encore floue pour la majorité des salariés. « Pour clarifier, je dois passer par des exemples concrets. Imiter quelqu’un qui susurre langoureusement à l’oreille de sa collègue combien il aime son parfum ; puis un autre qui, d’une voix normale, à distance, et sans la moindre équivoque, complimente cette collègue sur son choix d’eau de toilette. La différence, les salariés la font immédiatement. Je leur assure qu’ils la font même d’instinct », témoigne Marie Delmont.

De la remarque au délit

En d’autres termes, la loi n’interdit pas de complimenter un ou une collègue sur son parfum ou sa tenue. Mais ces remarques s’apparentent à du harcèlement sexuel dès lors qu’elles tendent à se répéter, et/ou créent une situation humiliante pour la personne qui en fait l’objet, en la renvoyant à ses attributs physiques plutôt qu’à ses compétences professionnelles. Après les faits, il y a la loi. « Je rappelle que le harcèlement sexuel est un délit, puni par la loi, et que depuis 2017, un fait unique peut suffire à le caractériser ; la répétition des faits n’est plus obligatoire », poursuit Marie Delmont. À terme, la technique de victimisation des auteurs à l’aide du fameux « On ne peut plus rien dire ! », typique selon Christine Naschberger de « l’ancienne génération », disparaîtra. Encore plus avec la génération Y, croit savoir l’enseignante. « Cette génération qui correspond à mes élèves et a aujourd’hui entre 21 et 23 ans, est beaucoup plus au fait de la question. Ils sauront où ils mettent les pieds », assure-t-elle.

(*) Sondage Ifop pour VieHealthy portant sur 2 008 femmes.